République et pratiques religieuses

conf-auxerreRésumé de la Conférence de M. ATEB, président de la JMFB.

Invité par L’union des familles laïques (ufal) le président de JMFB a participé à la conférence-débat sur le thème « République et pratiques religieuses », mercredi 20 novembre à Auxerre.  Y ont participé MM. Michel Canet, président national de l’Ufal, Jöel Rignault, vicaire de la cathédrale d’Auxerre, Mohamed Ateb président de la JMFB, Franco Hoffmann pasteur évangélique, et Philippe Reculard moine bouddhiste.


Résumé de la conférence 

« Sur l’esprit de la loi 1905 :

C’était à l’initiative d’un député républicain de la 3ème République Aristide Briand, qui était en faveur d’une laïcité sans excès, que la loi régissant les rapports entre l’Eglise et l’Etat fût adoptée le 9 décembre 1905.

C’est dire, tout de suite, l’esprit de cette loi : un esprit d’apaisement en vue de mettre fin à l’affrontement violent, qui a duré presque vingt-cinq ans, entre deux conceptions opposées sur la place de l’Eglise dans la société française. »

C’est une loi qui devait pacifier les relations entre les diverses composantes de la nation et non pas une loi qui devait être utilisée comme tremplin pour organiser les hostilités ni pour diriger les conflits.

Je pense que tout ce qui concerne le thème de « la République et les pratiques religieuses » se trouve dans cette loi et notamment ses 1er et 2ème articles qui définissent bien le cadre dans lequel évoluera la diversité des confessions.

L’article premier : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice du culte sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».

Cet article se présente en deux parties ; deux volets qu’il serait important de souligner pour éviter une ambiguïté malheureusement largement répandue.

Sphère privée :

La première partie de ce premier article met en relief le devoir de la République d’assurer la liberté de conscience. La République assure, donc, la liberté de conscience ; cette liberté individuelle de pouvoir disposer de sa conscience, d’avoir une opinion ou de choisir sa religion sans aucune contrainte.

En vérité, cette liberté est tellement fondamentale et constitue un droit des plus élémentaires qu’elle doit être assurée pour chaque individu.

Or la liberté de conscience relève strictement de la « sphère privée » puisqu’elle se fait justement en conscience.

Ainsi, en assurant la liberté de conscience, la République protège donc « la sphère privée ». Elle protège les personnes et leur liberté conformément à l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public ».

Il est clair que selon la loi, la République protège la sphère privée : chacun est libre de choisir en toute conscience ; il n’a pas à être inquiété parce qu’il a choisi d’être musulman, chrétien, juif ou autre ni à se justifier non plus pour son choix libre… C’est un principe fondamental de la République.

Sphère publique :

La deuxième partie de l’article passe à un autre niveau : au niveau de la pratique, de l’exercice du culte. « Elle (la République) garantit le libre exercice du culte sous les seules restrictions dans l’intérêt de l’ordre public ».

C’est logique, car toute liberté d’expression n’est rien si elle n’a pas de manifestation dans la sphère publique ; en effet la liberté de conscience ne se limite pas au droit d’avoir une conviction en son for intérieur seulement et dans quel cas il n’est même pas nécessaire de l’assurer ni de la protéger.

A ce sujet, le Conseil d’Etat précise que la liberté de conscience « (elle) a également pour composante la libre disposition des biens nécessaires à l’exercice d’un culte » et ne reconnait une religion que par l’exercice d’un culte.

Et ne reconnait une religion qu’avec l’exercice d’un culte comme le précise le conseil d’état le 17 juin 1988 au sujet l’association « l’union des athées ».

 

La loi n’oppose pas la sphère publique et la sphère privée

Et là il est intéressant de souligner que la loi reconnait à la fois la sphère privée et la sphère publique. Elle reconnait, même, que la dernière est bien le prolongement naturel  de la première ; et ceci sans jamais les opposer et surtout sans jamais confiner la religion dans la sphère privée comme c’est souvent répandu.

La loi du 9 décembre 1905, assure la liberté de conscience et par conséquent protège la sphère privée et elle garantit l’exercice du culte dans la sphère publique.

Principe de neutralité de la République :

L’article 2 de la loi 1905 stipule la neutralité de l’Etat : « La République ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».

La République ne privilégie aucun culte par rapport à un autre. La République est neutre  à l’égard des différentes confessions. Mais aussi la République observe la neutralité concernant les préceptes et le culte des religions. La République ne détermine pas les contenus des religions  ni n’en définit les contours.

La loi 1905 reconnait les catholiques avec leur propre culte, les juifs avec leur culte, les musulmans avec leur culte… et l’Etat veille à empêcher les conflits entre différentes composantes de la nation et veille à l’intérêt de l’ordre public.

Similitudes évidentes avec la constitution de Médine :

Il est à noter que la loi sur la laïcité dans son esprit initial présente des similitudes évidentes avec des articles de la constitution élaborée par le prophète Mohammad pour fonder une société modèle à Médine.

Voici quelques clauses en rapport avec la citoyenneté des juifs, seule communauté religieuse avec les musulmans à Médine :

Liberté,

  • « Les juifs peuvent continuer de professer leur religion. Et la liberté de pratiquer leur religion est garantie ».

Et voilà que la liberté de conscience est assurée et la liberté d’exercer son culte est garantie.

Egalité,

  • « Tout juif qui adhère à cette charte doit avoir l’aide et l’assistance des croyants (musulmans) et tous les droits des croyants doivent lui être donnés».
  • « Aucun des juifs ou des croyants (musulmans) ne doit porter préjudice à l’autre groupe».
  • « Si les juifs font du tort aux croyants (musulmans) ou si ceux-ci font du tort à ceux-là, alors le parti lésé doit être aidé».
  • « Aucune clause de cette charte ne doit interdire à aucun parti de demander un châtiment légal (de saisir la justice)».

Fraternité et citoyenneté,

  •  « Les juifs ne font qu’une seule communauté avec les croyants (musulmans) » : une communauté nationale de citoyens».
  • « Les juifs et les croyants (musulmans) de Médine se conseilleront et leurs relations mutuelles doivent être fondées sur la droiture, alors que le péché est interdit».
  • « Aucun des juifs ou des croyants (musulmans) ne doit porter préjudice à l’autre groupe».

 

Enfin, il est à souligner que l’application de la loi du 9 décembre 1905 dans son esprit initial a, largement, pu pacifier les relations entre catholiques, protestants et juifs qui formaient le paysage confessionnel en France.

Cette loi continue, encore, à tempérer l’ardeur de ceux qui veulent en découdre avec les religions si bien qu’ils tentent souvent de la dépasser.

Je pense alors que cette loi demeurera – en restant fidèle à son esprit initial- l’allié principal des musulmans de France.

Et elle doit pouvoir garantir aux musulmans comme aux autres de vivre à l’aise leur religion en France. La question d’incompatibilité de l’Islam avec la République s’avère donc fausse.

Merci à tous

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